Fantastique spectacle aujourd’hui à Cape Town ! Les cinq IMOCA se sont élancés à 13h15 (heure française) pour cette troisième étape très attendue de The Ocean Race et le show a été à la hauteur du formidable accueil des Sud-Africains depuis l’arrivée de la flotte le 12 février dernier.
A bord de Holcim-PRB, Kevin Escoffier et son équipage ont franchi la ligne avec deux ris dans la grand-voile et sous J3 (la plus petite voile d’avant) comme leurs adversaires. Une voilure réduite en prévision des grosses variations de vent attendues. Le plan d’eau de Cape Town surplombé par la spectaculaire Table Mountain (1 086 m d’altitude) a en effet imposé une attention maximale à l’ensemble des équipages dès le coup d’envoi pour gérer un vent très instable atteignant plus de 40 nœuds en rafales !
Parti en deuxième rideau, Holcim-PRB a réussi à revenir sur la tête de flotte lors du deuxième tour du parcours côtier offrant ainsi aux milliers de spectateurs massés sur le front de mer un combat maritime époustouflant. Dans les couloirs de vent façonnés par Table Mountain, les IMOCA ont d’abord pu voler à plusieurs reprises et à pleine vitesse sur une mer blanchie par l’écume. Affichant régulièrement les 30 nœuds au speedomètre, Kevin Escoffier, Abby Ehler, Sam Goodchild et Tom Laperche ont fait fumer l’étrave du monocoque bleu et vert avant d’être stoppés net, comme leurs adversaires, dans le dévent de Table Mountain. Il a fallu gérer cette dernière décélération avant de pouvoir gagner enfin le large et des conditions plus stables. Avec un ris dans la grand-voile et sous J2, l’équipe du projet GO CIRCULAR s’est péniblement extirpée de cette zone sans vent, se glissant derrière le tableau arrière de Team Malizia, sorti en tête de ce parcours côtier.
Durant ce départ de course sous haute tension, deux bateaux ont été contraints de se mettre en pause pour quelques heures. Biotherm a en effet dû rentrer au port pour réparer une casse sur un chariot de grand-voile, tandis que 11th Hour Racing Team a dû affaler sa grand-voile pour remplacer un système de maintien de latte. Tous deux doivent respecter un règlement qui impose, en cas de casse et de réparation dans les 12 heures après le départ, de mettre leur course en suspens pendant deux heures à minima.
Pour Holcim-PRB, qui quitte Cape Town en position de leader du classement général, la course est désormais bien lancée. On l’a vu, dès ce parcours côtier, le maître mot de ces 12 750 milles autour de l’Antarctique et en direction d’Itajai sera la prudence. Avant le départ de cette étape encore jamais réalisée, Kevin Escoffier le répétait depuis plusieurs jours comme un mantra : « Plus que jamais, sur cette étape, il va falloir choisir quand tu peux utiliser le bateau à 100% ou quand tu dois temporiser ».
Loin, très loin de tout lors du contournement de l’Antarctique, l’équipage de Holcim-PRB devra faire preuve de sagesse pour remplir leur objectif : arriver au Brésil. La course est longue et les deux étapes remportées par le projet suisse ont donné le sourire à l’ensemble de l’équipe sans pour autant galvaniser les femmes et les hommes de Holcim-PRB. Kevin Escoffier sait qu’il peut aussi tout perdre sur cette troisième étape. « Pour moi, les deux premières étapes sont derrière nous. Moi, je regarde devant. Je sais très bien qu’à partir de maintenant, si quelque chose ne se passe pas bien, ce sera un échec. Je suis conscient que personne ne se rappellera qu’on a gagné deux étapes si sur les cinq prochaines, il y a une mauvaise ambiance humaine, de mauvais résultats ou si ça se passe mal. Il faut rester concentré, regarder devant avec le même état d’esprit que nous avions à Alicante » analyse le skipper avant de fermer les yeux et de les ouvrir en souriant. « Si on est encore leader à Itajaí avec quelques points d’avance, ce ne sera pas la même chose… Mais si on l’est toujours à Aarhus, ce sera encore mieux (rires). Quoi qu’il en soit, si on arrive à Itajaí, même sans être en tête, je serais content aussi ».
Les derniers mots de Kevin Escoffier avant de larguer les amarres :
« La première chose est d’arriver à Itajaí. C’est l’objectif. Il va falloir savoir choisir entre les temps forts et les temps faibles. Dans le sud, ce n’est pas toujours la guerre non plus. On se souvient souvent des moments durs car dans le sud, ils sont très durs, c’est exacerbé. Il faudra laisser la place à l’intelligence de course : accepter de ne pas trop tirer sur le bateau même si on perd des milles sur quelqu’un d’autre. Il va falloir faire du bateau comme on sait faire.
Une des raisons pour lesquelles ces mers du grand Sud sont mythiques, c’est que l’on est loin de tout. Très, très loin de tout … C’est quand tu es face au choix qu’il faut prendre les bonnes décisions, c’est là qu’il faut être bon. C’est impossible de tout anticiper. Pour l’instant, j’ai le sourire parce que nous avons fait le job en mer comme à terre. On me considère comme quelqu’un d’expérimenté mais en réalité, je ne suis allé que quatre fois dans les mers du sud… Quand je pars en bateau, ça passe toujours en un claquement de doigt car je ne regarde jamais l’arrivée. Je ne regarde que le lendemain pour me projeter par exemple sur les manœuvres à venir. Je ne réfléchis qu’à court ou moyen terme. Je ne suis pas en train de me projeter à boire une caïpirinha ou danser le merengue. C’est LA plus longue étape de The Ocean Race mais c’est plus court qu’un Trophée Jules Verne ou qu’un Vendée Globe. Il faut relativiser. »