Au sein de la base du Team Holcim-PRB à Cape Town, c’est veille de départ. Les marins qui vont quitter demain l’Afrique du Sud à bord de l’IMOCA ont rempli les formalités avec l’immigration ce matin. L’équipe technique termine les interventions à bord et s’apprête à effectuer un ultime nettoyage complet du bateau cet après-midi. Fabien Delahaye, qui prépare la météo pour l’équipe, ne quitte plus son ordinateur et analyse les données pour partager au mieux les informations lors des deux derniers briefings météo prévus ce soir et demain matin. L’ambiance est studieuse pour tous, chacun effectue ses tâches avec précision et concentration. Car demain, Kevin Escoffier, Abby Ehler, Tom Laperche, Sam Goodchild et Julien Champolion (reporter embarqué) vont s’engager dans la troisième étape de The Ocean Race : 12 750 milles nautiques soit 23 613 kilomètres entre l’Afrique du Sud et le Brésil, en parant les trois caps, Bonne Espérance, Leeuwin et le cap Horn !  
 
Tous les observateurs tentent de qualifier cette étape avec nombre de superlatifs ce qui fait parfois sourire Kevin Escoffier. Il connaît ses mers du sud avec lesquelles l’équipage du projet GO CIRCULAR, qui vise à partager un message pour un monde plus durable, va devoir négocier. Il sait que le scénario n’est pas écrit d’avance et qu’il y aura forcément des moments très compliqués. Le marin, qui a connu une avarie majeure lors du dernier Vendée Globe, ne prend pas cette étape à la légère et préfère garder une forme de distance. Il est fier du groupe qu’il a réuni autour de lui et a une confiance totale dans ses équipiers avec lesquels il prend énormément de plaisir à naviguer comme hier, lors de la course l’In-Port remportée sur le magnifique plan d’eau de Cape Town. Il s’élance en effet avec des marins ultra-expérimentés qui, pour certains, ont vécu des expériences marquantes venant rappeler combien les conditions de vent et de mer dans lesquelles Holcim-PRB va naviguer durant plus de 30 jours sont extrêmes. 
 
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« En 2011, il y a plus de dix ans maintenant, je participais à la Global Ocean Race et j'ai fait une seule étape pour relier Le Cap, en Afrique du Sud, à Wellington, en Nouvelle-Zélande. La veille de l'arrivée, je suis allé à l'avant pour changer une voile. Et j’imagine que j'étais jeune, inconscient et que je me sentais invincible. J’y suis allé sans prendre mon équipement de sécurité et j'ai été emporté par une grosse vague. On était au milieu d'une manœuvre et nous étions en double. Aussi l’autre équipier s'est retrouvé seul sur le bateau d’un seul coup, et c’était vraiment galère parce qu'on était en milieu de course et loin de tout. A ce moment-là, les minutes avaient défilé, je dérivais et avec la houle j'étais hors de vue. J'ai passé 40 minutes à nager dans l'eau avant qu'il ne me trouve… enfin ! Naviguer dans des endroits aussi extrêmes change votre façon de naviguer, c'est certain » raconte Sam Goodchild.
 
Plus prudent, le Britannique explique qu’il n’hésitera pas à proposer de lever le pied si besoin. Et il est convaincu qu’il  trouvera facilement un écho favorable auprès de ses équipiers. Ensemble ils savent en effet que la sécurité des femmes et des hommes ainsi que  celle du bateau sera le mot d’ordre pour bien figurer à Itajaí. Jamais les quarantièmes rugissants et les cinquantièmes hurlants n’ont vu passer dans leurs eaux les IMOCA en équipage. En équipage, avec quatre navigants sur le bateau, il est possible d’aller chercher plus loin dans la vitesse et dans la performance. Mais il faudra savoir jouer la préservation et limiter la prise de risques. « Notre premier objectif, c’est d’arriver avec un bateau en bon état à Itajaí car derrière, la course n’est pas terminée, il y aura d’autres étapes. Il faudra être très à l’écoute du bateau, du moindre bruit, il faut sentir les choses. Holcim-PRB peut aller vite, très vite, sans que cela l'abîme. Mais lorsque la mer est très formée, les gros chocs sur les vagues peuvent endommager la structure. Dans ces moments-là, il faut savoir mettre une limite rapidement, et ralentir. Si on sent que l’on tape fort dans les vagues, ça vaut le coup de ralentir. On l’a déjà fait sur les premières étapes à certains moments » commente Tom Laperche qui va naviguer dans les mers du sud pour la première fois.  
 
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Ce parcours entre Cape Town et Itajaí est crucial pour le classement général. « C’est deux étapes en une » résume Kevin Escoffier. La première série de points (équivalente à une étape) sera attribuée en fonction de l’ordre de passage à la longitude 143° Est (sud de l’Australie) et la seconde (équivalente à une deuxième étape) en fonction de l’ordre d’arrivée, à Itajai. C’est probablement aussi cet enjeu qui rend cette veille de course si particulière. Pour autant, au sein de l’équipage Holcim-PRB, il n’y a aucun doute… Les quatre marins sont impatients d’y aller désormais. « C’est un sacré challenge quand on y pense : 30 jours en mer, sans pause, dans les mers les plus difficiles, mais pour un marin c’est une belle opportunité, et j’ai hâte ! » conclut l’actuel leader du classement général, après deux premières victoires au Cap Vert et ici, à Cape Town. 
 
Pendant cette étape inédite, l’équipage du monocoque vert et bleu se fera le relais d’un message fort en faveur de la protection de la planète, en embarquant le bâton #Relay4Nature entre Cape Town et Itajai. Une initiative portée par The Ocean Race et les Nations unies qui appelle les dirigeants du monde à se mobiliser pour protéger et restaurer les océans. C’est l’opportunité pour l’équipage de faire écho aux engagements de son partenaire Holcim, qui, à travers le message Go Circular, encourage chacun à adopter un mode de vie plus circulaire (réduire, réutiliser, recycler). 
 
Le coup d’envoi sera donné demain à 13h15 heure française. 
 
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Les déclarations des marins 
 
Tom Laperche : 
 
« Quand j’ai dit oui à Kevin pour participer à cette course fin septembre, je ne savais pas exactement à quoi m'attendre. J'avais très peu navigué en équipage en IMOCA, donc j’avais pas mal d'interrogations. Désormais je n’ai pas trop de doute sur le fait que cette troisième étape se passe bien, que l’équipage fonctionne bien ensemble, car on se connait déjà un peu. Mais je ne peux pas m’empêcher de me demander comment ça va être, comment ce sera là-bas. Le Sud, c’est grand ! C’est impressionnant pour moi mais en même temps j'ai hâte d'aller naviguer dans ces mers du sud, parce que je n'y suis jamais allé. Des opportunités comme celles-ci sont uniques. C’était aussi cette partie qui m’a le plus donné envie de participer à cette course-là. »
 
Kevin Escoffier :  
 
« J’ai hâte d’être au départ, on a eu très peu de temps finalement ici à Cape Town. A peine arrivés, nous avons pu avoir quelques jours pour se reposer et il a déjà fallu y retourner et travailler sur le bateau, partir sur l’In-Port, tout s'enchaîne vite, mais c’est le jeu ! Les deux dernières étapes sont derrière nous, il faut que nous regardions devant ensemble désormais. Le plus important pour moi sur cette étape, c’est d’arriver à Itajaí, c’est aussi simple que ça !
C’était assez facile en Atlantique car on connaissait déjà le comportement du bateau sur cet océan. Pour l’océan austral ce sera différent, car ce bateau n’a encore jamais navigué dessus. La difficulté sera de trouver une vitesse moyenne assez élevée qui nous permette de préserver le bateau au maximum car la distance sera très longue. C’est un sacré challenge quand on y pense : 30 jours en mer, sans pause, dans les mers les plus difficiles, mais pour un marin c’est une belle opportunité, et j’ai hâte ! »
 
Sam Goodchild :  
 
« Les deux premières étapes nous ont permis de gagner en confiance et de mieux connaître le bateau, nous avons beaucoup appris. Nous avons encore beaucoup à apprendre les uns des autres car nous ne nous ne connaissons pas depuis si longtemps. Et j'ai confiance en l'équipe technique aussi. Ils ont fait du très bon travail au Cap. Une fois que nous serons sur l'eau, nous serons vraiment dans le bain. Les mers du Sud sont plus sauvages. Le vent est plus puissant. Il fait plus froid. Donc, c'est clairement bien plus extrême en termes de condition. Et en plus de ça, on sera loin de tout. Il faudra être beaucoup plus raisonnable et prudent. Que ce soit individuellement lorsqu’on se déplace à l’avant, ou dans la manière de naviguer et de s’adapter au vent. Naviguer dans des endroits aussi extrêmes change votre façon de naviguer, c'est certain. »
 
Abby Ehler : 
 
Pour me préparer à la Leg 3, j’ai aidé Killian à préparer la nourriture et me suis assurée que nous en aurons assez, car je sais que c’est très important à bord pour le moral des marins. A ce niveau là, tout est prêt et emballé, j’ai essayé de ne rien oublier ! Désormais, pour ma dernière journée avant le départ, j'essaie de m'éloigner un peu du bateau et du team base pour me vider la tête avant de partir pour une aventure épique demain.”